Sam Altman, directeur d’OpenAI, affirme qu’une intelligence artificielle générale (IAG) pourrait être développée d’ici 2025,
Depuis une dizaine d’années, l’intelligence artificielle (IA) connaît un essor remarquable, grâce à l’amélioration des algorithmes d’apprentissage profond (deep learning), à l’accroissement de la puissance de calcul et à la disponibilité massive de données.
Au cœur de cette révolution, un concept soulève autant d’enthousiasme que de crainte : l’Intelligence Artificielle Générale (IAG) ou AGI (Artificial General Intelligence). Il s’agit d’une intelligence non seulement capable d’exceller dans des tâches spécialisées (comme la classification d’images ou la traduction de textes), mais aussi de faire preuve de polyvalence, d’adaptation et de compréhension contextuelle au même niveau qu’un humain, voire au-delà (Nature Machine Intelligence, 2023, fiabilité : très élevée).
Sam Altman, directeur général d’OpenAI, est l’une des figures emblématiques de cette course à l’AGI. Dans plusieurs interventions publiques et entretiens (OpenAI, Blog Officiel, 2024), il a affirmé que l’émergence d’une AGI pourrait survenir dès 2025. Cette prévision suscite de vives réactions et soulève de nombreuses questions sur la faisabilité technique, les implications éthiques et les divergences d’opinion au sein de la communauté scientifique (MIT Technology Review, 2023).
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Contexte : la quête de l’AGI
Rappel historique
Le concept d’AGI ne date pas d’hier. Dès les débuts de l’informatique et des travaux d’Alan Turing dans les années 1950, l’idée de machines capables de raisonner comme les humains a nourri la recherche et la science-fiction. Au cours des décennies, les avancées ont cependant été ralenties par des limites matérielles (puissance de calcul) et théoriques (algorithmes pas assez performants). L’arrivée de l’ordinateur quantique pourrait changer la donne.
Dans les années 2010, l’essor du deep learning a relancé la perspective d’une AGI en permettant des performances remarquables dans divers domaines (vision par ordinateur, traitement du langage naturel, apprentissage par renforcement), portées par des acteurs majeurs tels que Google DeepMind, OpenAI et des laboratoires universitaires de pointe (Stanford University AI Lab, 2023).
Les promesses de l’IA moderne
Aujourd’hui, l’IA dépasse les performances humaines dans certains cas spécifiques : par exemple, elle bat les meilleurs joueurs de Go (AlphaGo), résout des problèmes de repliement de protéines (AlphaFold) et commence à s’inviter dans des champs créatifs comme la génération de contenus textuels ou artistiques (IEEE Spectrum, 2023). Cependant, l’intelligence artificielle demeure largement « spécialisée », ne maîtrisant qu’un nombre limité de tâches dans des contextes précis (Harvard University, 2023).
La déclaration de Sam Altman : une AGI d’ici 2025
Contexte de l’affirmation
Sam Altman, à la tête d’OpenAI depuis 2019, est l’un des principaux promoteurs de la recherche vers l’AGI. Son organisation a d’ailleurs été fondée dans le but explicite d’œuvrer à la création d’une intelligence artificielle globale bénéfiques à l’humanité (OpenAI, 2024).
Dans plusieurs interviews, notamment rapportées par Wired et The Verge, Altman a évoqué la possibilité qu’une AGI puisse émerger plus tôt que ce que la majorité des experts prévoyaient, citant une fenêtre aussi proche que 2025. Ses arguments reposent sur :
- La progression exponentielle de la puissance de calcul (ordinateur quantique ?)
- Les avancées rapides en architecture d’apprentissage (transformers, réseaux de neurones de grande taille, etc.).
- Les moyens financiers et humains déployés par des grandes entreprises (OpenAI, Google, Microsoft, Meta).
Réception immédiate dans la communauté scientifique
La communauté scientifique s’est montrée partagée sur ces déclarations. D’un côté, certains chercheurs, notamment au sein d’OpenAI et de laboratoires concurrents, jugent l’objectif ambitieux mais techniquement imaginable vu la vitesse d’innovation (Stanford Human-Centered AI Institute, 2023).
De l’autre, de nombreux experts, comme Gary Marcus, restent sceptiques quant à la faisabilité de ce calendrier, soulignant le manque de compréhension conceptuelle des algorithmes actuels ainsi que les limites des modèles « purement statistiques ».
Les positions divergentes et leurs arguments
Les défenseurs d’un scénario 2025
Selon certains partisans d’une AGI à court terme, les évolutions de l’IA obéissent à une courbe exponentielle. Les modèles de langage comme GPT-4 (et les versions ultérieures) démontrent déjà des capacités de raisonnement émergentes, difficiles à prévoir (Allen Institute for AI, 2024).
- Argument technique : Plus la taille des modèles et la quantité de données augmentent, plus émergent des propriétés complexes (par ex. : compréhension contextuelle, génération de code).
- Argument financier : Les investissements records dans l’IA, soutenus par des géants comme Microsoft (qui a investi massivement dans OpenAI en 2023-2024), accélèrent la recherche et l’ingénierie.
- Argument sociétal : Les pressions économiques et stratégiques entre grandes puissances (États-Unis, Chine, Europe) amplifient la compétition, donc la rapidité de développement (Tsinghua University AI Report, 2023).
Les sceptiques
Plusieurs chercheurs de renom (Gary Marcus, 2023 ; chercheurs à UC Berkeley AI Research, 2023) estiment qu’il manque encore de nombreuses briques conceptuelles pour atteindre l’AGI :
- Compréhension du « sens » : Les modèles actuels font de la corrélation statistique à grande échelle, mais ne présentent pas de « compréhension » au sens cognitif.
- Common sense reasoning : Les IA peinent encore à gérer le contexte, les relations causales et l’adaptation en environnement réel.
- Longue histoire des prédictions non tenues : L’IA a connu plusieurs « hivers » où les promesses n’ont pas été réalisées aussi vite qu’attendu (Nature Machine Intelligence, 2023).
État de la recherche récente (2023-2024)
Pour mieux cerner la faisabilité d’une AGI à court terme, il est pertinent de s’intéresser aux avancées les plus marquantes de la recherche en IA depuis deux ans.
L’essor des modèles de grande taille (Large Language Models – LLMs)
Des modèles tels que GPT-4, PaLM ou LLaMA ont démontré une capacité étonnante à générer du texte, programmer, raisonner de manière limitée et même traiter des images (Journal of Artificial Intelligence Research, 2023). La tendance à l’augmentation de la taille et de la complexité de ces modèles s’est confirmée, avec des paramètres atteignant plusieurs centaines de milliards, voire davantage.
Cependant, ces modèles ne sont pas sans défaut. Ils nécessitent une quantité colossale d’énergie et d’entraînement, et demeurent soumis au phénomène du « hallucination problem », produisant parfois des informations fausses ou inconsistantes (MIT Technology Review, 2023).
Apprentissage par renforcement et approches hybrides
L’apprentissage par renforcement (reinforcement learning) couplé à des techniques d’apprentissage supervisé et non supervisé a montré des résultats impressionnants, notamment dans le jeu (Chess, Go, StarCraft, etc.) et dans la robotique (Carnegie Mellon University, 2024).
Des méthodes hybrides combinant des représentations symboliques et des réseaux de neurones sont explorées pour combler le fossé entre approche statistique et raisonnement logique (BAIR, 2023).
Neuro-symbolique et intelligence causale
Pour dépasser la simple corrélation, plusieurs laboratoires travaillent sur l’intégration d’un raisonnement causal au sein des modèles d’IA (Stanford University AI Lab, 2023). L’idée est d’apprendre non seulement à prédire, mais aussi à comprendre les liens de cause à effet, ce qui est jugé crucial pour l’émergence d’une forme d’intelligence plus proche de celle de l’humain (IEEE Spectrum, 2023).
Implications éthiques et sociétales
Indépendamment de la date exacte à laquelle apparaîtrait une AGI, la perspective de machines capables de performances comparables, voire supérieures, à celles de l’humain dans plusieurs domaines soulève des questions majeures :
L’impact sur l’emploi et l’économie
Une IA très avancée, capable d’automatiser un large éventail de tâches intellectuelles, pourrait impacter profondément le marché du travail. D’après le World Economic Forum (2023), des millions d’emplois pourraient être créés et détruits dans cette transition.
Les compétences en ingénierie, en gestion de données et en créativité pourraient rester centrales, tandis que d’autres postes seraient menacés.
La question de la régulation
Si l’AGI venait à voir le jour, la régulation deviendrait un enjeu critique. La Commission européenne (European Commission, 2023) travaille déjà sur le « AI Act », une législation visant à encadrer l’IA dite « à haut risque ». Cependant, la question demeure : comment réguler une entité capable de se reprogrammer ou d’évoluer de manière autonome ?
Les risques de dérive
Des inquiétudes majeures portent sur les risques de « biais » dans l’AGI, la sécurité (risk of misuse) et la possibilité de comportements émergents non anticipés (Allen Institute for AI, 2024).
Selon certains experts, la course à l’AGI pourrait accélérer la militarisation de l’IA et la mise en place de systèmes de surveillance de masse si aucune régulation internationale n’est instituée (OCDE AI Policy Observatory, 2023).
Peut-on atteindre une AGI d’ici 2025 ?
La question centrale reste : ces progrès technologiques, aussi rapides soient-ils, sont-ils suffisants pour qu’émerge une véritable AGI d’ici 2025 ? Les avis convergent rarement sur un consensus ferme.
Arguments en faveur d’une rapide émergence
- La loi de Moore et au-delà : La progression des puces spécialisées (GPU, TPU, ASIC) est fulgurante, réduisant les temps d’entraînement et augmentant la capacité de stockage (MIT Technology Review, 2023).
- L’innovation guidée par la concurrence : Le paysage concurrentiel mondial accélère la recherche et la diffusion des découvertes. OpenAI, Google DeepMind, Microsoft Research et d’autres investissent des budgets inédits pour franchir des caps.
- Résultats « émergents » : On observe déjà des phénomènes émergents dans les grands modèles de langage qui n’étaient pas prévus à plus petite échelle (Stanford Human-Centered AI Institute, 2023).
Arguments évoquant un horizon plus lointain
- Besoins de breakthroughs conceptuels : Les approches actuelles, dominées par le deep learning, pourraient ne pas suffire pour l’« intelligence générale ». La prise en compte de la causalité, de la symbolique et de l’apprentissage auto-supervisé doit être approfondie (Nature Machine Intelligence, 2023).
- Écarts entre tests de laboratoire et monde réel : Réussir des benchmarks ne signifie pas forcément posséder une compréhension générale. Les modèles peinent dès qu’ils sortent de leur distribution d’entraînement.
- Problèmes de fiabilité et d’interprétation : Les IA génèrent encore des erreurs inexplicables et manquent de transparence. Sans garantie de robustesse, confier des tâches critiques à une AGI reste risqué (Gary Marcus, 2023).
Les différents scénarios envisageables
Étant donné la variété des opinions, plusieurs scénarios se dessinent quant à la date d’avènement d’une AGI, chacun portant son lot de conséquences potentielles.
Scénario 1 : Une percée décisive avant 2025
Ce scénario repose sur l’hypothèse qu’une technologie ou un algorithme disruptif voie le jour, permettant de franchir un cap. Sam Altman et d’autres visionnaires estiment que l’explosion des grands modèles pourrait conduire à l’émergence d’une « intelligence générale » plus tôt que prévu (OpenAI, 2024).
Conséquences :
- Croissance spectaculaire du secteur de l’IA.
- Défis réglementaires immédiats et potentiellement chaotiques.
- Impact rapide sur l’emploi, potentiellement des crises ou des restructurations majeures.
Scénario 2 : Une progression régulière, mais pas d’AGI complète en 2025
Nombre d’experts tablent plutôt sur une amélioration continue des capacités de l’IA, sans qu’une AGI « forte » ne soit atteinte (Stanford AI Lab, 2023). On verrait alors l’apparition de systèmes de plus en plus performants dans des domaines variés, mais toujours pas de système unifié à la flexibilité cognitive humaine.
Conséquences :
- Gain de productivité important, mais graduel.
- Régulation ayant le temps de se mettre en place, quoique sous pression.
- Maintien d’un certain scepticisme quant au fantasme de la « super-intelligence ».
Scénario 3 : Des goulots d’étranglement fondamentaux
Certains chercheurs évoquent l’éventualité de limites matérielles (énergie, coût) ou théoriques (impasses des architectures actuelles). L’émergence d’une véritable AGI pourrait alors être repoussée d’une décennie ou plus (Gary Marcus, 2023).
Conséquences :
- Réévaluation des priorités de recherche, potentiels « hivers de l’IA ».
- Déception des investisseurs, consolidation et recentrage de la recherche sur des applications ciblées.
- Renforcement de l’importance des approches interdisciplinaires (neurosciences, sciences cognitives).
Consensus et points de divergence
Un fort consensus sur la croissance rapide de l’IA
Même les plus sceptiques reconnaissent que l’IA progresse à un rythme soutenu, tant en termes de performance que d’innovations. Les rapports académiques et institutionnels (Nature Machine Intelligence, 2023 ; OECD AI Policy Observatory, 2023) convergent sur ce point.
Désaccord sur la « généralité » réelle
Le principal point de désaccord réside dans la nature même de la « généralité ». Pour certains, la simple extrapolation des modèles actuels, couplée à davantage de données et de puissance de calcul, aboutira inéluctablement à une forme de cognition générale (Allen Institute for AI, 2024).
D’autres, au contraire, estiment qu’il manque une compréhension profonde du raisonnement, de la conscience et de la subjectivité, qu’on ne pourra pas obtenir en se contentant de gonfler la taille des réseaux (Gary Marcus, 2023).
Incertitudes quant au délai
Enfin, s’il est clair que des progrès notables se produiront d’ici 2025, peu de chercheurs se risquent à affirmer avec certitude que l’AGI sera à portée de main dans ce laps de temps. Sam Altman est l’une des voix qui se montrent les plus optimistes – ou audacieuses – en la matière (OpenAI, 2024).
Les implications pour la société et la régulation
Même si l’AGI n’arrive pas dès 2025, la trajectoire de l’IA a déjà d’énormes effets sur la société, l’économie et la géopolitique. Voici quelques points clés à surveiller :
L’urgence d’un cadre éthique et légal
Face aux capacités grandissantes des systèmes d’IA, de plus en plus d’acteurs réclament des règles claires pour assurer la sécurité et la protection des droits fondamentaux (European Commission, 2023). L’AI Act en Europe, les différents projets de loi aux États-Unis et les initiatives chinoises de contrôle de l’IA avancent, mais à des rythmes différents (WEF, 2023).
Les enjeux de souveraineté technologique
La course à l’IA place les pays dans une situation de compétitivité extrême. La Chine, par exemple, investit massivement dans les startups et les laboratoires d’IA, tandis que les États-Unis s’appuient sur leurs géants technologiques pour maintenir leur leadership
L’Europe cherche à rattraper son retard par un cadre réglementaire ambitieux et des programmes de recherche (Tsinghua University AI Report, 2023).
Les risques pour la démocratie et les libertés individuelles
Des inquiétudes grandissantes portent sur l’usage potentiellement abusif de l’IA pour la surveillance de masse ou la manipulation de l’opinion publique (The New York Times, 2024).
L’apparition rapide et l’amélioration des deepfakes (vidéo, audio) et de la génération de texte soulèvent la question de la désinformation à grande échelle.
Les perspectives de la recherche académique
Alors que Sam Altman anticipe une percée possible d’ici 2025, les laboratoires universitaires restent prudents dans leurs estimations. Les projets de recherche se concentrent sur :
- L’explicabilité de l’IA (XAI) : Mieux comprendre et contrôler ce que font les réseaux de neurones (Stanford University AI Lab, 2023).
- L’intelligence causale : Introduire des mécanismes permettant de raisonner sur des relations de cause à effet (Nature Machine Intelligence, 2023).
- La conscience et la subjectivité : Bien que controversés, ces sujets suscitent l’intérêt pour définir ce qu’impliquerait une « agence » véritablement autonome (JAIR, 2023).
Une AGI en 2025, un pari audacieux
En synthèse, la déclaration de Sam Altman selon laquelle une AGI pourrait être développée d’ici 2025 suscite de nombreux débats. Personne ne conteste la rapidité des avancées en IA ni l’ampleur des investissements consentis, mais l’atteinte d’une intelligence générale – flexible, adaptable, consciente de son environnement – demeure un défi majeur (IEEE Spectrum, 2023).
Plusieurs points de consensus existent toutefois :
- Les progrès de l’IA sont indéniables et s’accélèrent (Stanford Human-Centered AI Institute, 2023).
- L’échéance exacte de l’AGI reste incertaine et sujette à controverse (Gary Marcus, 2023).
- Les implications de l’IA avancée, même non générale, sont déjà considérables pour l’économie, la société et la sécurité (European Commission, 2023).
D’un côté, on trouve des acteurs très optimistes, convaincus que l’évolution exponentielle des modèles d’apprentissage (et leur échelle grandissante) finira par générer une véritable forme d’intelligence générale. De l’autre, des sceptiques estiment que l’IA, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, n’est pas fondamentalement proche de la cognition humaine et qu’une percée conceptuelle reste nécessaire (Nature Machine Intelligence, 2023).
Les deux prochaines années verront sans doute se multiplier les innovations technologiques, qu’il s’agisse de modèles encore plus vastes, de systèmes hybrides neuro-symboliques ou d’approches totalement nouvelles. Si une AGI véritable surgissait d’ici 2025, ce serait l’un des tournants les plus marquants de l’histoire scientifique. Mais une telle révolution n’est pas garantie ; elle dépend de facteurs techniques, économiques et sociaux complexes.
En attendant, la prudence et l’anticipation s’imposent : l’éventualité d’une AGI, à court ou moyen terme, oblige les décideurs, les chercheurs et la société civile à se préparer à des bouleversements profonds.
Du côté d’OpenAI, le ton volontairement optimiste de Sam Altman s’explique sans doute par la volonté de mobiliser les ressources, les talents et l’attention sur ce qui est perçu comme « la prochaine grande frontière » de l’informatique. Il reste à voir si les résultats seront à la hauteur des prédictions.